« Au début du confinement, M.A., travailleuse domestique philippine, m’a demandé de l’aide. Arrivée voilà quatre ans à Bruxelles, elle a ses enfants aux Philippines. Elle a toujours eu du travail et « tout allait bien ». Elle s’occupait d’un bébé pour un jeune couple propriétaire d’un restaurant dans un quartier chic. M.A. habitait chez eux du mercredi au dimanche, mais avec le coronavirus, la situation a basculé. Ses patrons sont partis en Suisse pour le confinement, sans lui laisser un sou ». Magali Verdier [1] évoque les difficultés rencontrées suite à la pandémie par des femmes sans papiers dans la capitale belge.
Dans les témoignages des travailleuses domestiques membres de la Ligue reçus depuis le confinement, Magali constate que la perte de revenus a été le premier impact de la pandémie, une perte non planifiée. Beaucoup de ces femmes ont des personnes à charge au pays, qu’elles ne peuvent plus aider, à quoi s’ajoute l’inquiétude relative à la prise en charge du virus au pays et à l’accès à la santé pour leurs proches restés là-bas. Sans compte en banque, elles peinent à payer leurs dépenses, les magasins acceptant de moins en moins d’argent liquide pour réduire les risques de contamination. Difficile aussi de payer les factures internet, ce qui réduit les possibilités de téléphoner et accroît leur préoccupation pour leurs proches. Sans accès aux informations sur le COVID, elles sont aussi en proie à des peurs parfois irrationnelles quant au risque de contamination.
La Ligue observe des différences entre les femmes et les hommes sans-papiers. Très souvent, ces derniers n’envoient pas d’argent aux pays et certains d’entre eux vivent dans des squats où les loyers sont nettement moins élevés. Les femmes, elles, vivent dans des appartements aux loyers ‘normaux’, qu’elles partagent avec d’autres femmes et parfois avec des enfants.
Pour des décisions politiques concrètes
Des associations de soutien aux personnes sans papiers, dont la Ligue des Travailleuses Domestiques et les deux principaux syndicats nationaux ont lancé début mai 2020 une campagne commune « Déconfinons les droits des sans-papiers. Contre le virus, la régularisation, c’est maintenant ». Par divers moyens (slogans aux fenêtres et diffusés via les réseaux sociaux, action devant le bureau de la Première ministre), la campagne vise à ce que les autorités, dans le court terme, régularisent les sans-papiers en s’appuyant sur la circonstance exceptionnelle de la pandémie et, dans le long terme, la mise en place de critères clairs et permanents pour la régularisation et une commission indépendante qui traite les dossiers de demande. Une proposition de loi est déposée, mais les partis du nord du pays doivent encore être convaincus. Au niveau Européen, cela avance. Le Portugal a autorisé la régularisation des sans-papiers pour des raisons humanitaires jusqu’au 30 juin 2020 et l’Italie a suivi pour des raisons de pénurie de main d’œuvre saisonnière dans l’agriculture. En France, des député·e·s font pression également dans ce sens. Espérons que la Belgique suivra ces exemples.
[1]Le Mouvement Ouvrier Chrétien de Bruxelles – dont une des composantes est la CSC – appuie Magali Verdier dans son travail contre l’exploitation socio-économiques des travailleur·euse·s migrant·e·s. La Ligue des Travailleuses Domestiques fait partie du comité des travailleurs avec et sans papiers. Elle se centre sur les aspects de genre de la problématique