Nous demandons la tenue des Assises des droits des femmes dans tous les parlements

En tant que membre de la Coalition « Pour des Assises des droits des femmes », nous sommes signataire de cette carte blanche publiée le

Une opinion de Hafida Bachir, secrétaire politique de Vie Féminine et de Magda De Meyer, présidente du Vrouwenraad, au nom de la Coalition « Pour des Assises des droits des femmes ! » (1).

Au niveau international, les droits des femmes sont protégés par un traité spécifique appelé Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes (CEDEF). Adopté en 1979 par l’Assemblée générale des Nations Unies et ratifié en 1985 par la Belgique, ce texte a force de loi dans notre pays, mais il reste largement méconnu, que ce soit par le grand public ou par les acteurs et actrices impliqué·es dans le champ juridique et dans la lutte pour l’égalité des femmes et des hommes.

L’objectif de la CEDEF est de défendre spécifiquement l’accès des femmes à tous leurs droits et à toutes leurs libertés. Elle couvre de nombreux domaines : éducation, emploi et droits sociaux, santé, diplomatie, vie politique, justice, droit civil et familial, etc. La convention a pour ambition de garantir aux femmes le plein exercice de tous leurs droits humains mais elle va plus loin en soulignant aussi certains aspects liés à la position spécifique des femmes dans la société : la protection de la maternité des travailleuses, la lutte contre différentes formes de violences ou encore l’accès à des services de santé et d’éducation à la santé, notamment en matière de planification des naissances. Elle permet aussi d’affiner la lecture des discriminations directes et indirectes rencontrées par les femmes, en se référant explicitement aux stéréotypes et aux préjugés pour expliquer ces discriminations.

40 ans après la ratification de la CEDEF par la Belgique, la situation des droits des femmes reste cependant à la traine chez nous. En effet, les femmes rencontrent de nombreux obstacles pour faire appliquer leurs droits (droits sociaux et droit au/du travail, difficultés d’accès aux services de proximité ou à l’enseignement…). Des dossiers urgents évoluent trop lentement : lutte contre les violences, écart salarial et de pension, individualisation des droits sociaux, discrimination sur le marché du travail et dans l’enseignement, prise en compte des charges familiales, créances alimentaires, prise en compte des spécificités de genre dans les politiques d’asile, accès à l’avortement et à la contraception, etc. Il faut aussi déplorer un manque d’attention aux discriminations multiples et intersectionnelles, des mesures ignorant les réalités de vie des femmes, des législations insuffisantes et un manque de coordination globale entre les différents niveaux de pouvoir en matière de droits des femmes.

La Belgique rappelée à l’ordre 

Tous les quatre ans, l’Etat belge remet au Comité d’experts de l’ONU un rapport sur sa politique concernant les droits des femmes. Le 18 novembre dernier, le Comité a adressé une série de points et de questions à l’Etat belge suite à son huitième rapport périodique. Touchant à des domaines très variés, ces points témoignent du chemin qui reste encore à parcourir pour rendre réellement effective la CEDEF chez nous. Nous en avons épinglé quelques-uns :

En matière de lutte contre le sexisme, le Comité prend note de la loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l’espace public et demande à la Belgique de fournir des données sur le nombre de plaintes et de poursuites, les peines infligées aux auteurs et les réparations accordées aux victimes en vertu de la loi.

Les violences contre les femmes font l’objet d’une longue liste de questions auxquelles la Belgique est tenue de répondre. Le Comité se dit préoccupé par le défaut d’application effective du plan national de lutte contre toutes les formes de violences fondées sur le genre (PAN) et demande à notre pays de « fournir les renseignements sur les réalisations et les difficultés relatives à l’application du plan et sur les progrès accomplis depuis la ratification, en 2016, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) ». Le Comité demande à la Belgique de fournir « des données actualisées sur la violence à l’égard des femmes, de décrire les mesures adoptées concernant les faibles taux de poursuites et de condamnations et le taux élevé de retrait de plaintes, de donner des renseignements sur l’application de la circulaire relative au maintien du droit de séjour obtenu dans le cadre d’un regroupement familial pour les victimes de violences conjugales et les conséquences pour les droits des migrantes victimes de violence domestique, etc. »

En ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique et à la vie publique, le Comité exige de la Belgique d’apporter des précisions sur les mesures prises pour accroître le nombre de femmes occupant des postes de décision, notamment au sein des Gouvernements du pays.

En matière d’emploi, le Comité demande à la Belgique d’indiquer les mesures prises pour garantir à toutes les femmes, notamment les migrantes et les femmes en situation de handicap, l’égalité d’accès aux emplois et pour réduire et éliminer l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, actuellement estimé à 7,6 %.

Il relève que « les responsabilités familiales, et en particulier les soins à donner aux enfants, demeurent une des principales raisons pour lesquelles les femmes continuent d’occuper principalement des postes à temps partiel ». Il souhaite connaître « les mesures adoptées pour faciliter l’accès des femmes à l’emploi à temps plein, accroître le nombre de structures d’accueil pour enfants d’un coût abordable, encourager les hommes à prendre un congé parental, y compris par des mesures d’incitation et des programmes de sensibilisation, et mettre en place des régimes de congé plus souples permettant aux femmes et aux hommes d’assurer à part égale les tâches liées aux soins à donner à un tiers ».

Relevant qu’une part importante des plaintes concernant la discrimination en matière d’emploi déposées auprès de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes ont trait à la grossesse et à la maternité, il demande de faire état des mesures prises pour remédier à cette situation

Et enfin, il réitère sa demande d’avoir des renseignements sur les études menées sur l’ampleur de la discrimination fondée sur le genre dans le système de sécurité sociale. Il attire également l’attention sur la situation des groupes de femmes défavorisées et demande à la Belgique de décrire « les mesures prises pour lutter contre leur pauvreté, notamment en ce qui concerne leurs pensions de retraite plus faibles ».

La Belgique est également priée « de fournir des informations et des données actualisées sur la situation des droits fondamentaux des femmes victimes de discrimination croisée, notamment les migrantes, les femmes handicapées, les lesbiennes, bisexuelles et femmes transgenres – et on devrait ajouter les femmes musulmanes, les femmes d’ascendance africaine, les femmes Roms…-, et préciser les mesures prises pour garantir l’accès effectif de ces femmes à l’éducation, à la santé, au logement, à l’emploi ainsi que leur participation à la vie politique et publique ». Les demandes sont similaires en ce qui concerne les obligations du pays à l’égard des femmes et filles réfugiées et demandeuses d’asile.

Et enfin, le Comité d’experts demande à la Belgique d’intégrer pleinement les dispositions de la Convention dans le système juridique national et faire en sorte que celles-ci soient directement applicables par les tribunaux nationaux.

Des Assises des droits des femmes

Les associations de femmes saluent le travail réalisé par le Comité CEDEF et suivront de près les réponses de la Belgique. Ainsi, les associations de femmes entendent contribuer à faire de cette date anniversaire un moment fort de mobilisation pour les droits des femmes et surtout un rappel à la Belgique de ses engagements et obligations en matière de lutte contre toutes les formes de discriminations. En vue de reconnaitre cette étape importante qui marque les 40 ans de la CEDEF, nous demandons la tenue des Assises des droits des femmes dans tous les parlements du pays.

(1)  Liste complète des signataires :
Noura Amer – Arab Women’s Solidarity Association-Belgium (AWSA-Be); Béatrice Bashizi-Caravane pour la paix et la solidarité ; Miriam Ben Jattou – Femmes de droits – Droits des femmes ; Annalisa Casini et Lisa Wouters – asbl Sophia vzw ; Mado Chideka – La Tourkana Josiane Coruzzi- Solidarité femmes et refuge pour femmes victimes de violences ; Béa Ercolini-TPAMP ; Seyma Gelen- Collectif féministe Kahina ; Ihsane Haouach – Les Cannelles ; Daisy Herman – ACRF – Femmes en milieu rural ; Isabella Lenarduzzi – JUMP ; Valérie Lootvoet – Université des Femmes ; Pascale Maquestiau – Le Monde selon les femmes ; Reine Marcelis – Synergie Wallonie pour l’égalité entre les femmes et les hommes ; Yamina Meziani – Collectives et Ardentes ; Maria Miguel – Sierra – La Voix des Femmes ; Modi Ntambwe – Réseau des Femmes Immigrées et d’origines étrangères-ReFi-oe ; Pierrette Pape- isala ; Donatienne Portugaels – Mouvement pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes ; Jihan Seniora – La Fédération des Centres de Planning familial des FPS (FCPF-FPS) ; Claire Stappaerts- Be Feminist ; Rosalie Tchika – ANGELA.D; Noémie Van Erps – Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) ; Irène Zeilinger – Garance ASBL

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