Violences : les femmes et les enfants d’abord. La Belgique recadrée par le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe.

Communiqué presse

10 novembre 2020
Photo © Danièle Huet pour Le Monde selon les femmes

Le Groupe d’experts (GREVIO) chargé de veiller à la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul (Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique), a rendu public son rapport d’évaluation de la Belgique ce 21 septembre. La Coalition « Ensemble contre les Violences », qui regroupe une soixantaine d’associations de terrain en lien avec la thématique, appelle les pouvoirs publics à intégrer les recommandations du Conseil de l’Europe dans des politiques claires, cohérentes et correctement budgétisées et à s’aligner sur la Convention d’Istanbul, comme ils s’y sont engagés.

La Belgique doit mieux faire

Dans un contexte « Covid 19 » qui a déjà fait apparaître de manière criante l’insuffisance des mesures de prévention ainsi que les manquements en matière d’aide et de soutien aux femmes et aux enfants victimes de violences, le rapport du Groupe d’experts tombe à pic pour guider la Belgique dans la conception et la mise en œuvre d’une réelle politique efficace en la matière. Il pointe du doigt de nombreux problèmes structurels et concrets : manque de clarté dans les budgets et de moyens financiers, insuffisance de reconnaissance de l’expertise des associations de terrain, mais aussi manque de places adaptées dans les refuges, difficultés à prendre en compte toutes les femmes (femmes migrantes, femmes handicapées, femmes âgées, etc.) et les discriminations multiples auxquelles elles sont confrontées …. La liste est longue.

Les enfants oubliés par les politiques belges

Parmi les points forts du rapport, le Groupe d’experts soulève la question des enfants vivant dans un contexte de violences entre (ex-) partenaires. Ces enfants sont des victimes, qu’elles- ils soient témoins des violences ou maltraité-e-s, avec des conséquences qui peuvent être lourdes pour leur santé psychique. Et pourtant, les tribunaux et les services spécialisés dans l’aide à la jeunesse ont tendance à oublier le contexte des violences lorsqu’il est question, notamment, des droits de garde et de visite des enfants lors d’une séparation. Le lien avec le père est privilégié malgré les risques, comme si les violences n’existaient pas, s’arrêtaient miraculeusement avec la séparation, ou encore n’avaient aucun impact sur elles et eux. Lorsqu’elles-ils osent parler des violences qu’elles-ils vivent, même sexuelles, la parole des enfants est régulièrement mise en doute, comme celle des mères. La Belgique doit agir pour protéger réellement ces enfants et mieux former les intervenant-e-s, qui bien souvent, n’ont même aucune notion de ce que sont les violences entre (ex-) partenaires.

Dérives des discours et des politiques effaçant la dimension de genre

La Belgique tend à invisibiliser le caractère sexiste des violences, déclare dès son introduction le rapport. Ce n’est pas une mince critique, puisqu’il s’agit du fondement même de la Convention d’Istanbul. La Belgique, lorsqu’elle a ratifié cette Convention en 2016, s’est engagée à lutter contre les violences structurelles spécifiquement faites aux femmes parce qu’elles sont femmes. La neutralité dont fait preuve la Belgique en la matière est soulignée comme dangereuse par les experts du Conseil de l’Europe : elle peut conduire à des lacunes dans la protection et le soutien des femmes. Comme c’est effectivement le cas, par exemple quand un féminicide est appréhendé comme un crime ordinaire, ou pire, comme une « histoire d’amour » qui a mal fini. Par ailleurs, le Groupe d’experts rappelle fermement que nier le processus de domination à l’œuvre dans les violences entre (ex-) partenaires amène trop souvent les juges et les services d’aide aux justiciables à favoriser la médiation comme seule possibilité alors que les modes alternatifs de résolution des conflits obligatoires sont interdits par la Convention d’Istanbul.

Manque de cohérence, budgets opaques et statistiques inexistantes.

Le fait que la Belgique ne semble pas vraiment savoir contre quoi elle lutte, c’est-à-dire des violences structurelles issues d’un processus de domination historique des femmes par les hommes, est aggravé par un manque de coordination efficace entre le niveau fédéral et les entités fédérées. Cette fragmentation nuit à la cohérence des politiques et des approches, et l’expertise des associations de terrain n’est pas suffisamment sollicitée. D’un autre côté, ces mêmes associations sont de moins en moins subsidiées, et rien ne garantit leur pérennité. L’organe étatique de coordination du Plan d’Action National (PAN) pour la lutte contre les violences intrafamiliales et les violences de genre, l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes (IEFH), voit lui-même son budget diminuer d’année en année. Ces défauts de financement corrects s’inscrivent dans un budget global impossible à déterminer. Le manque de coordination amène également la Belgique à ne pas disposer de statistiques exploitables et les enquêtes de terrain sont trop anciennes et basées sur des indicateurs qui invisibilisent à nouveau la dimension de genre, aboutissant à des résultats non fiables.

Alors que la Belgique est engagée dans la réflexion du futur Plan d’Action National de lutte contre les violences faites aux femmes, La Coalition « Ensemble contre les Violence » interpelle les pouvoirs publics et l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes pour que les recommandations du GREVIO soient intégrées dans le travail en cours. Elle invite également les différents Parlements à s’en saisir et à en discuter dans les plus brefs délais avec les associations de la société civile. Enfin, La Coalition appelle le futur gouvernement fédéral à prendre conscience de l’urgence de la situation et à inscrire la mise en œuvre des recommandations du GREVIO dans sa déclaration gouvernementale.

Coalition Ensemble contre les Violences

Personne de contact : Maria Miguel Sierra | 0497 10 92 92

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